đŸŽ™ïž Entre le labo et le canap’, les beagles posent leurs valises en Bourgogne

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Beagles of Burgundy (BoB) est une association crĂ©Ă©e en 2016 pour offrir une retraite bien mĂ©ritĂ©e Ă  des beagles ayant servi la recherche. Depuis 2019, elle accueille ces chiens Ă  la Maison des Beagles Libres, en Bourgogne, pour leur apprendre une vie “normale” avant de leur trouver une famille d’adoption. Nous avons interrogĂ© sa fondatrice, Virginia Mouseler.

Ce qu'il faut retenir

Virginia Mouseler – © Beagles of Burgundy
Pouvez-vous vous présenter ?
Virginia Mouseler :
Enfant, je regardais Ă  la tĂ©lĂ© une sĂ©rie animĂ©e qui s’appelait La Maison de Toutou. Toutou, c’était un beagle ! Depuis je voue une passion Ă  ces chiens. A l’issue de mes Ă©tudes, j’ai dĂ©crochĂ© une agrĂ©gation en philosophie et le diplĂŽme d’une Ă©cole de commerce (ESSEC). Puis j’ai cofondĂ© une sociĂ©tĂ© d’études internationales dans le secteur audiovisuel que je dirige toujours.
 

Pouvez-vous présenter La Maison des Beagles Libres ?

VM : DĂšs que j’ai pu, j’ai adoptĂ© mon premier chien beagle, dans un Ă©levage, il y a 25 ans. Un jour, mon vĂ©tĂ©rinaire m’a appris que cette race Ă©tait utilisĂ©e en expĂ©rimentation animale. J’ai Ă©tĂ© sidĂ©rĂ©e. J’ai dĂ©cidĂ© de tout faire, quand j’en aurai les moyens, pour rendre aux beagles le bonheur qu’ils nous donnent.
Plus tard, j’ai beaucoup voyagĂ© dans le cadre de mon travail, entre la Chine et les Etats-Unis, notamment. J’ai pris l’habitude de profiter de ces vols pour ramener avec moi, en soute, sur une compagnie aĂ©rienne taĂŻwanaise qui autorisait le plus d’animaux par passager, des dizaines de beagles chinois vers une association Ă  Los Angeles. J’ai rencontrĂ© d’admirables jeunes bĂ©nĂ©voles chinois qui faisaient tout pour sortir des chiens de leur pays. A l’arrivĂ©e, je faisais croire aux douaniers que c’étaient mes propres chiens et que j’étais ce genre de folle de Los Angeles qui ne pouvait pas voyager sans ses 10 chiens
 15 jours plus tard, ils me revoyaient avec d’autres chiens, me reconnaissaient et me laissaient passer, sans vĂ©rifier les papiers des chiens !

En 2019, j’ai ouvert en France, en Bourgogne, La Maison des Beagles Libres, pour rĂ©pondre aux besoins particuliers des beagles issus de l’expĂ©rimentation animale, tels que je les avais observĂ©s. Leur principal dĂ©ficit Ă©tant la socialisation, je vis avec eux, dans ma maison, dans des conditions proches de celles qu’ils connaĂźtront dans le foyer oĂč ils seront adoptĂ©s. Un havre pour accueillir les chiens qu’on nous confie, les adapter Ă  la vie domestique et au monde extĂ©rieur, et leur trouver des familles.

AprĂšs plusieurs annĂ©es de prospection intensive, un premier laboratoire europĂ©en nous a fait confiance, une fois, deux fois
 les adoptants ont suivi, et tout s’est enchaĂźnĂ© : malgrĂ© la pandĂ©mie et mon traitement contre le cancer, nous avons eu le temps de rĂ©adapter et faire adopter plus de 350 beagles. Je dois ĂȘtre la personne au monde qui a cohabitĂ© avec le plus grand nombre de beagles de laboratoire 24h/24 !

Virginia à l'aéroport en Chine - © Beagles of Burgundy

Que pensez-vous du recours aux animaux pour la recherche ?

VM : Utiliser les animaux pour la recherche est insupportable Ă©motionnellement et questionnable philosophiquement. Mais ce n’est ni l’émotion ni la philosophie qui rĂ©soudront ce dilemme : c’est la science. Peu aprĂšs avoir ouvert La Maison des Beagles Libres, j’ai eu un cancer du sein, que je traite toujours : j’ai confiance dans la science.

Ce n’est ni l’émotion ni la philosophie qui rĂ©soudront ce dilemme : c’est la science.

Quelles sont les principales étapes du processus de réhabilitation ? Comment cela se passe concrÚtement ?

VM : Je ne parle pas de rĂ©habilitation puisqu’en français, c’est aussi un mot pour les condamnĂ©s ! La rĂ©adaptation des beagles issus de l’expĂ©rimentation animale Ă  La Maison des Beagles Libres dĂ©bute quand nous ouvrons leur cage de transport : c’est Ă  ce moment-lĂ , en tĂȘte Ă  tĂȘte, que j’essaie de crĂ©er le dĂ©but d’une relation de confiance. Il est arrivĂ© que ça ne marche pas, que les beagles soient terrorisĂ©s, fuient au fond du jardin, ne veulent pas rentrer dans La Maison. Dans ce cas, nous refusons de les laisser s’isoler, nous ne voulons pas qu’ils sombrent dans la dĂ©pression, nous faisons tout pour les intĂ©grer Ă  notre vie. Certains sont Ă  l’aise avec les chiens mais pas avec les humains, parfois le contraire. Ceux qui sont le plus en difficultĂ©, je les prends avec moi, prĂšs de ma chambre, dans ma chambre, sur mon lit
 Certains beagles se collent contre moi pendant la nuit et dĂšs que je me lĂšve, ils semblent avoir peur de moi Ă  nouveau
 Je n’ai pas d’explication, pas de mĂ©thode, juste du bon sens, et maintenant de l’expĂ©rience : j’essaie de vivre avec ces chiens le plus naturellement possible, comme on vit avec un chien chez soi
 un chien pas Ă©duquĂ© pour vivre avec des humains et pas encore propre
 comme avec un chiot timorĂ©.

Comment sĂ©lectionnez-vous les personnes candidates Ă  l’adoption ?

VM : Nous favorisons les candidatures qui peuvent assurer du temps de prĂ©sence Ă  la maison : ces beagles ont besoin de se rapprocher des humains. Et s’ils ont un jardin, qu’il soit bien clĂŽturĂ© : les beagles adorent s’échapper. AprĂšs un premier tri sur dossier (textes, vidĂ©os et photos), Martine, notre responsable des adoptions, fait un entretien en visio-confĂ©rence pour vĂ©rifier les informations et mesurer l’engagement de toute la famille, pas seulement de la personne qui a rempli le dossier. Puis nous invitons les personnes sĂ©lectionnĂ©es Ă  nous rendre visite pour rencontrer les Beagles Libres : ils ne choisissent par leur beagle sur profil avant de venir mais sur place, en fonction du contact.

© Beagles of Burgundy

Vous proposez une formule « Bed & Beagle ». Pouvez-vous nous en parler ?

VM : Certains Beagles Libres ont besoin de temps pour Ă©tablir des liens et certains adoptants viennent de loin, de toute la France et d’Europe. Nous aimons aussi faire connaissance longuement avec les adoptants. Nous proposons Ă  ceux qui le dĂ©sirent de rester plus que quelques heures pour se familiariser avec leur futur beagle, le tester avec leur propre chien s’ils en ont un, se dĂ©cider. Nombreux passent la nuit chez nous (gratuitement, nous leur demandons juste d’apporter un diner Ă  partager). Ils dorment avec 1 ou 2 Beagles Libres dans leur chambre et au petit-dĂ©jeuner, ils ont choisi !

Quelles sont les difficultés ou les obstacles auxquels votre association est confrontée dans le cadre de cette mission ?

VM : Le principal dĂ©fi est d’obtenir qu’un plus grand nombre d’organismes nous confient des beagles Ă  rĂ©adapter et faire adopter. Les contacter, Ă©tablir une relation de confiance, les bases d’une collaboration est un long travail, invisible et confidentiel, mais fondamental. RĂ©adapter ensuite et rencontrer les adoptants, c’est la rĂ©compense.

Combien coĂ»te la retraite d’un beagle ?

VM : Les principales charges de notre association sont le transport, les stĂ©rilisations si elles ne sont pas faites, de rares soins, la nourriture, et l’entretien des lieux. Nous consommons beaucoup de balais serpillĂšres, d’alĂšses et de rouleaux de papier absorbant !

Comment travaillez-vous en collaboration avec les laboratoires et les autorités pour faciliter la mise à la retraite des animaux ?

VM : Nous entrons en contact avec des laboratoires, nous leur expliquons notre mĂ©thode, nous prenons en charge s’il le faut tous les coĂ»ts afin de lever les rĂ©ticences et garantir notre indĂ©pendance. Nous n’avons pas de contacts particuliers avec des autoritĂ©s, Ă  part pour ĂȘtre en conformitĂ© avec les rĂšgles.

Confier des beagles Ă  une organisation comme la nĂŽtre peut avoir
un impact positif sur le personnel des laboratoires, améliorer
le bien-ĂȘtre humain tout en amĂ©liorant le bien-ĂȘtre animal.

Que faudrait-il faire pour améliorer et faciliter la mise à la retraite des animaux ?

VM : Le chantier le plus intĂ©ressant, c’est l’évolution de l’état d’esprit dans les laboratoires. Comment confier des beagles Ă  une organisation comme la nĂŽtre peut avoir un impact positif sur le personnel des laboratoires, amĂ©liorer le bien-ĂȘtre humain tout en amĂ©liorant le bien-ĂȘtre animal. C’est un changement culturel passionnant, le contraire d’une guerre, une transition vers un monde meilleur ensemble.

Depuis les dĂ©buts de La Maison des Beagles Libres, comment avez-vous vu les choses Ă©voluer concernant la rĂ©habilitation (au niveau des laboratoires, des chercheurs, des adoptants…) ?

VM : L’évolution la plus impressionnante concerne le bien-ĂȘtre des beagles qui nous sont confiĂ©s. Auparavant, un bon nombre de beagles Ă  rĂ©adapter pouvaient ĂȘtre en mauvaise santĂ© psychologique. Ils n’avaient probablement pas Ă©tĂ© l’objet de suffisamment d’attention positive lĂ  oĂč ils Ă©taient. Notre travail et celui de leurs adoptants a permis de leur offrir une qualitĂ© de vie plus acceptable. Depuis quelque temps, les beagles qui nous sont confiĂ©s ont Ă©tĂ© Ă  l’inverse apparemment extrĂȘmement socialisĂ©s, leur dĂ©tente est rassurante et nous a permis de sortir de moments d’angoisse partagĂ©e.
Voir et montrer au grand public comme nous le faisons ces beagles qui semblent Ă©quilibrĂ©s concourt Ă  dĂ©mystifier le discours autour de l’utilisation des beagles de laboratoire. Les gens ont besoin de savoir et de comprendre oĂč va ce secteur, et les laboratoires ne s’ouvrent que trop lentement Ă  ce besoin d’expliquer leur Ă©volution.

© Beagles of Burgundy

Est-ce que vous avez des nouvelles réguliÚres des animaux que vous avez placé en retraite ?

VM : Les adoptants de BoB forment une communautĂ© et c’est une de mes grandes fiertĂ©s. La Maison des Beagles Libres c’est une aventure avec des chiens, mais c’est aussi une grande aventure avec des humains. Les adoptants communiquent entre eux, Ă©changent tous les jours conseils et expĂ©riences sur un groupe Facebook privĂ©. Je reçois des messages, des photos tous les jours. Beaucoup sont devenus des amis, certains reviennent passer quelques jours avec leurs beagles Ă  La Maison des Beagles Libres. Dans certaines rĂ©gions, des adoptants entrent en contact et organisent des rencontres et balades de beagles. Cette grande famille se rĂ©unit une fois par an Ă  la BoB’s Party, Ă  La Maison des Beagles Libres, une journĂ©e de fĂȘte, d’ateliers, d’échanges, de jeux. Certains installent leur camping-car dans le jardin, ils viennent de toute la France, de Belgique, d’Allemagne, de SuĂšde
 Plus de 200 Beagles Libres sont attendus cette annĂ©e, le double d’humains ! Le lien entre nous tous, c’est le destin de ces beagles qui l’a crĂ©Ă©. Les Beagles Libres tissent une toile d’humanitĂ©.

Comment peut-on vous aider ? Vous suivre ?

VM : Le meilleur moyen de nous aider dans notre mission c’est d’inciter les organismes qui souhaitent confier des beagles de laboratoire Ă  nous contacter. Nous pourrons ainsi accomplir encore mieux notre mission. Nous aider, c’est aussi faire des dons pour financer nos opĂ©rations, transport, soins
 et bien sĂ»r adopter des Beagles Libres. Nos aventures sont Ă  suivre en vidĂ©o tous les jours sur Facebook, Instagram et TikTok : nous y montrons notre travail quotidien, nous racontons plein d’histoires difficiles qui finissent bien. Nous voulons donner de l’espoir.

Quelques anecdotes

Fortunato, le beagle sauvé 2 fois

Fortunato, comme son nom l’indique est un beagle trĂšs chanceux. Nous l’avons accueilli Ă  l’ñge d’1 an. TrĂšs vite nous avons constatĂ© qu’il manquait d’énergie, subissait de grosses baisses de tension. Nous l’avons emmenĂ© en urgence Ă  l’Ecole VĂ©tĂ©rinaire de Maisons-Alfort oĂč l’équipe de la vĂ©tĂ©rinaire cardiologue Pr. ValĂ©rie Chetboul l’a pris en charge. GrĂące Ă  la Fondation Un CƓur qu’elle anime, il a pu ĂȘtre opĂ©rĂ© bĂ©nĂ©volement de la stĂ©nose pulmonaire de naissance dont il souffrait. L’opĂ©ration a eu lieu Ă  Montsouris, Ă  Paris, un hĂŽpital pour humains dont nous avons louĂ© une salle afin de bĂ©nĂ©ficier des meilleures technologies. Fortunato est entrĂ© dans le sac d’un vĂ©tĂ©rinaire, par une porte dĂ©robĂ©e, pour ne pas susciter des questions des autres patients
 Ce beagle a Ă©tĂ© sauvĂ© deux fois: par nous, Ă  La Maison des Beagles Libres puis par la mĂ©decine vĂ©tĂ©rinaire la plus avancĂ©e. Je l’ai adoptĂ© moi-mĂȘme, il a aujourd’hui 3 ans, il sera traitĂ© jusqu’à la fin de ses jours, que j’espĂšre la plus Ă©loignĂ©e possible.

Peppa, ex-beagle de laboratoire adoptée par un enfant myopathe

Peu aprĂšs l’ouverture de La Maison des Beagles Libres, nous sommes contactĂ©s par une maman qui nous dit :
« mon fils de 7 ans est atteint de myopathie de Duchenne, il n’y pas de traitement, il est en chaise roulante, il veut un chien comme ami. Nous savons que les beagles sont utilisĂ©s pour la recherche scientifique, s’il y a un espoir pour les malades comme mon fils, il viendra de lĂ . Nous voulons rendre symboliquement aux beagles ce qu’ils donnent pour notre santĂ©. Nous avons pensĂ© qu’adopter un beagle sorti d’un laboratoire aurait du sens, comme une sorte de compensation ».
AdoptĂ©e par toute la famille, la beagle Peppa est devenue immĂ©diatement un soutien psychologique dĂ©cisif pour Mathias. 4 ans plus tard, Peppa va bien, la santĂ© de Mathias se dĂ©grade lentement et quand il souffre, sa beagle lui redonne de l’énergie. Rendre aux beagles le bonheur qu’ils nous donnent, c’est notre motivation.
"Les Beatles" - © Beagles of Burgundy
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